420                MEMOIRES DE PIEURE DE LESTOILE.
sieurs de Maienne et de Guise, et autres seingneurs et dames de leur compagnie. U y avoit deux tables : à la premiere estoient les dames, avec le comte de Brienne et le duc de Maienne, lequel il falut rapporter, tant il avoit beu. A la seconde estoit le duc de Guise, avec force capitaines, seingneurs et gentilshommes. Le sou­per cousta deux cents escus, de marché fait avec le grand Guillaume, qui les traictoit.
Ce jour, le Roy eust deux advis l'un sur l'autre d'une entreprise faite à Paris pour le tuer. Le conseil en avoit esté tenu sur le curé Saint-Jacques; et en mist-on deux en besongné, qui devoient partir dc Pa­ris le jeudi de la Pentecoste pour essaier à faire le coup. L'un estoit un manant de Paris, homme de mestier, ainsi qu'on disoit, pauvre de biens et d'esprit, mais au-dacieus, et de ces catholiques zélés qu'on apeloit. L'au­tre , huguenot, qui se tenoit aux champs, gaingné par l'amour d'une fille de Paris qu'on lui devoit donner avec force escus, au cas qu'il fist ledit coup.
Ce jour mesme, les Seize unis avec le clergé présen­tèrent requeste aux Estats, à ce qu'on eust à proceder à l'eslection d'un roi; et au cas qu'on ne le trouvast bon, qu'on n'eust à proceder à treufve ni à confe­rence que le Saint Pere n'en fust adverti, et qu'on n'en eust response. A faute de ce, protestoient contre ceux qui passeroient outre, comme deserteurs de la religion et traistres à leur patrie. Ils furent renvoiés sans res­ponse; et fust jugée leur requeste si impertinente, qu'il fust dit tout haut qu'il les falloit envoier à la cuisine.
Le mecredi 9 juin, s'esleva le matin un bruit de guerre à Paris ; que tout estoit rompu ; qu'on n'auroit treufve ni paix. Tout le palais ne cornoit que la guerre.
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